Le vol prévu consiste en un vol sur PA 18 Hydravion, 2 personnes à bord pour rejoindre l’hydrosurface de Lacanau afin d’y effectuer des amerrissages et retour dans l’après-midi après changement de pilote.
Les conditions météo sur le terrain de départ sont visibilité supérieure à 10 Km, vent 3Kt du secteur Sud Est, température 4°, nuages fragmentés 2000ft.
Décollage en piste 09, sortie en direction du point OS et fréquence quittée verticale pour passer avec Cazaux qui est inactif (message répondeur). Passage ensuite sur la fréquence d’Arcachon compte tenu de l’activité dans le secteur du Bassin qui demande de rappeler pour quitter en fin de transit.
Par le travers d’Arcachon ville à une altitude de 1300ft, soit 20 minutes après le départ nous traversons une zone de pluie fine qui n’altère pas la visibilité, l'équipage constate une baisse du régime moteur d’environ 100 tours compensée par une augmentation des gaz. Concomitamment en raison d’une suspicion de givrage le réchauffage carburateur est activé ce qui se traduit par une augmentation progressive du régime moteur de 100 à 150 tours qui confirme le diagnostic de givrage carburateur. Après 2 minutes environ régime moteur stabilisé le réchauffage carburateur est désactivé et le régime moteur réaugmente normalement.
Poursuite du vol à un régime de 2400 tours, et environ 2 minutes plus tard arrêt moteur soudain sans alerte préalable (pas de ratées ni de variation régime).
Mise descente, recherche panne, activation du réchauffage carburateur, changement de réservoir sans effet. Décision prise d’amerrir sur le Bassin, sans passage de message radio de panne en raison de la concentration portée sur le pilotage compte tenu du peu de temps disponible. Sortie 1 cran de volet et amerrissage maitrisé.
Coupure contact radio, alternateur et batterie, magnétos.
Essais de redémarrage moteur sans problème environ 2 minutes après, suivi des essais moteurs classique, test réchauffage carburateur correct.
Décision prise de redécoller en montant verticale le Bassin à 2000ft en effectuant plusieurs essais de réchauffage carburateur avec fonctionnement normal.
La météo sur la plan nébulosité est en amélioration, plus de pluie et compte tenu de la distance de l’étang de Lacanau décision prise de poursuivre le vol a une altitude de 2000ft en gardant le réchauffage carburateur activé jusqu’à l’arrivée. Fréquence quittée avec Arcachon en vue de l’étang de Lacanau.
La fin du vol se déroule sans problème suivi d’exercices d’amerrissages, et retour vers l’hydrobase l’après-midi.
Chef Pilote avisé par téléphone à l’escale de Lacanau et Président du club débriefé de vive voix au retour au hangar.

Ma connaissance des aspects mécaniques a contribué a bien identifier la situation et faire le diagnostic correct. Toutefois la connaissance du flash info relatif à la sensibilité de cet appareil en particulier au givrage carburateur aurait pu me permettre de faire usage plus tôt et de façon plus permanente du réchauffage carburateur.

Une température proche de 0°C et une forte humidité sont caractéristiques des conditions propices à un givrage sévère du carburateur (voir abaque sur le givrage dans le fichier joint IMG_2644). Un flash info a été publié en octobre 2023, pour rappeler les conditions et les particularités liées à l’entrée d’air du BC qui est moins protégée (voir fichier joint).

Le pilote détecte bien le phénomène en notant la perte de tours après être rentré dans une zone de pluie avec une température extérieure de 4°C. Il met donc la commande de réchauffage carburateur sur ON ce qui permet de récupérer des tours.

Notons que le givrage est apparu en croisière avec un régime élevé donc avec un papillon des gaz relativement ouvert. On a tort de penser que le givrage carburateur ne peut apparaître qu’à faible régime (descente ou approche). Ici la preuve en est que le pilote a rencontré une zone de givrage sévère car malgré tout, le carburateur a givré. La commande de réchauffage carburateur aurait dû être maintenue sur ON pendant toute la durée du vol propice au givrage et non pas jusqu’à ce que le régime moteur soit redevenu normal. Le réchauffage carbu doit être utilisé en curatif mais aussi en préventif dès lors que vous suspectez un risque de givrage.
L’arrêt moteur est certainement consécutif au givrage d’une quantité d’eau important au niveau du carburateur issue, d’une part par la glace fondue lors de l’action précédente et d’autre part par les conditions sévères de givrage toujours propices.

Suite à l’arrêt du moteur, la décision d’amerrissage sur le bassin est une bonne décision. La situation est bien maitrisée jusqu'à l'amerrissage à l’exception du fait qu’aucun message de détresse n’a été lancé alors même que le contact radio était établi avec Arcachon. Dans ce cas un MAYDAY aurait dû être lancé, voire un code 7700 affiché au transpondeur. Le pilote s’est concentré sur la trajectoire ce qui est un très bon point qu'il faut souligner, mais le deuxième pilote à bord aurait pu lancer le message. N’hésitez pas à utiliser toutes les ressources disponibles lorsque vous le pouvez.

Le bassin d’Arcachon n’est pas une hydrosurface déclarée. En se sens, l’amerrissage, suite à une panne moteur, constitue un amerrissage en campagne. A ce titre, en tant que pilote, nous avons l’obligation d’informer les services compétents et notamment la BGTA. Re-décoller sans autorisation constitue une infraction.

Enfin, la poursuite du vol vers la destination finale est-elle une bonne décision suite à une panne moteur, même quand on a identifié un givrage carburateur ? Comment être certain qu’aucun autre problème technique ne soit à l’origine de la panne ou ne se soit pas cumulé au givrage ? Pilotes, méfiez-vous de "l'objectif destination".

Avant de partir, abordez toujours votre vol sous l’aspect T.E.M, en déterminant les menaces et les actions à mettre en place pour les contrer. Sachez renoncer quand il le faut. Mettez vous toujours du côté de la sécurité même si cela engendrera un peu de paperasserie et d’explications. La survenue de cet évènement au dessus d'une forêt de pins n'aurait pas eu les mêmes conséquences.

Pilotes, le principe de précaution doit toujours prévaloir, et la poursuite ou l'interruption d'un voyage sont des décisions à mesurer raisonnablement dans ce type de situation.

Actions correctives :
- Protection de l’entrée d’air du BC ou modification capot moteur en conformité avec le constructeur.

Actions préventives :
- Publication du REX
- Flash info sur givrage lié à cet avion en pièce jointe
- Abaque sur conditions de givrage en pièce jointe