Gamme Aérogest : logiciel de gestion pour l'aviation
Réserve finale quasiment épuisée à l’atterrissage
Ref : EP2YFJS5GI

Dates

Date de déclaration : 31/07/2019
Dernière modification : 04/08/2019
Date de clôture : 04/08/2019

Descriptif de l'évènement

Vol de navigation en instruction sur quatre branches (deux avec atterrissage complet sur aérodrome contrôlé dont l’un avec CTR, l’autre en espace G et deux avec toucher-décoller sur aérodrome non contrôlé sans AFIS).
La 1ère branche comporte un transit dans la CTR d’un aérodrome à forte densité de trafic. La météo est CAVOK, température ISA + 18°C.
Mon élève me présente sa préparation et m’informe que, d’après le niveau qu’il a mesuré avec la jauge manuelle (bâton gradué), le réservoir contient 65 ltr de carburant représentant une autonomie d’environ 3 heures 15 minutes pour une autonomie requise de 3 heures (temps total de vol : 120 minutes ; marge opérationnelle : 30 minutes ; réserve finale : 30 minutes). Je valide ces éléments mais sans vérifier sa mesure du niveau de remplissage du réservoir.
Je lui indique devoir être de retour à une heure me permettant d’honorer un rendez-vous en ville.
Au roulage, un coup d’œil rapide sur l’aiguille de la jauge électrique indique un niveau légèrement au-dessus de la moitié (contenance : 93 ltr dont 91 ltr utilisables), sans toutefois corréler ce niveau à celui mesuré par mon élève.
Sur l’ensemble du vol à l’exception des phases de montée et d’approche puis d’atterrissage le RPM affiché est 2300 avec temporairement quelques écarts inférieurs à 50 RPM.
Départ puis réalisation de la 1ère branche et début de la 2 ème branche sur laquelle je propose à mon élève d'annuler l'atterrissage complet sur l’AD avec CTR à cause des parachutages en cours, en lui conseillant de poursuivre jusqu’au point November pour entamer la 3ème branche sur laquelle le contournement d’une DZ active nous retarde d'environ 5 minutes.
A la fin de cette branche, en arrivant au 2ème AD en A/A, des activités Parachutage et Planeurs imposent d'éviter la verticale et obligent pour s’intégrer en début de Vent arrière à un contournement des circuits Avion, Planeur et Remorqueur ajoutant environ 5 minutes à notre temps de vol réel.
Quelques minutes à peine après le décollage du 2ème AD en A/A pour la 4ème et dernière branche, l'aiguille du jaugeur électrique est dans l’arc jaune (représentation du dernier quart de réservoir et grosso modo d’une heure d’autonomie). Nous sommes à environ 30 minutes de notre aérodrome de destination (AD contrôlé).
Pour gagner du temps [non pas car il reste peu de carburant mais parce que je vais être en retard à mon rendez-vous] à environ 5 minutes du point d'arrivée recommandé, je demande à mon élève de rejoindre directement depuis notre position le début de l'étape de base : clairance accordée par TWR et nous sommes n°1 à l'atterrissage.
Après retour au parking et arrêt du moteur, nous faisons le plein complet du réservoir : grande frayeur a postériori, la livraison est de 89.7 Litres, il ne restait que 1.3 Litres utilisables et un temps de vol propulsé de 3.5 minutes à 22 ltr/hr !
C’est la 1ère fois en 45 ans d’instruction en vol que je suis confronté à une situation aussi critique.
J’ai conscience à posteriori et regrette profondément de nous avoir exposés sans m’en rendre compte aux dangers de l’Objectif destination : la jauge indique un très bas niveau de carburant et malgré cela je poursuis ! A aucun moment sur la dernière branche du trajet je n’ai envisagé de dérouter, d’interrompre le vol ni d’afficher la vitesse d’attente et transmettre Minimum Fuel ou May day Fuel ! J’ai disqualifié la mesure de la jauge électrique pour me fier à une mesure de remplissage du réservoir que je n’ai pas effectuée moi-même.
Je considère que nous avons eu de la chance car avec l’autre QFU en service ou avec un aéronef immobilisé sur la piste qui nous oblige à attendre qu’il dégage ou à faire une remise de gaz, la quantité résiduelle de carburant n’aurait probablement pas suffi.
Paradoxalement mon obstination [due à la pression temporelle m’ayant incité à raccourcir le trajet d’arrivée] a permis de gagner de précieuses minutes et d’éviter la panne sèche !

Classification de l'évènement

La déclaration concerne : Sécurité des vols (SV)
Catégorie : Facteurs Humains
Nature du vol : VFR Jour
Conditions météo : CAVOK, vent au FL020 du 120-150° 10 à 15 kt
Environnement : Autre
Phase de l'évènement : A l'atterrissage
Type de vol : Instruction double commande
Type d'évènement : Avitaillement
Type d’aéronef : DA-20
Equipement : Instrumentation mixte (aiguille + GPS par exemple)

Evaluation du risque

Traitement de l'évènement


Dans sa préparation de vol, l’élève a considéré pour ses calculs une Vp de 120 kt et une consommation horaire de 20 ltr/hr Il n’a pas pris en compte l’effet du vent ni la température très élevée de l’air à l’altitude de vol.
Lorsqu’il prend en charge l’avion réservé pour le vol, l’élève n’était pas informé que ce dernier était équipé d’une hélice Sensenich (il a le plus souvent volé sur les deux autres DA20 de la flotte équipés d’une MT Propeller qui améliore la Vp croisière de 5 à 8 kt).
Le bord d’attaque des pales de l’hélice Sensenich (montée temporairement sur cet avion dans l’attente du retour de révision de sa MT Propeller) est sensiblement érodé.
Selon l’AFM, l’hélice Sensenich propulse l’avion (en ISA, 2500 ft, RPM 2300) à une Vp en croisière de 105 kt : dans ces conditions la consommation horaire est de 19.7 ltr/hr.
L’altitude moyenne du vol est 2500 ft, la RPM affichée est 2300 et la température ISA + 18°C, donnant une altitude densité voisine de 4660 ft. A 4500 ft et 2300 RPM, l’AFM mentionne une Vp en croisière de 104 kt et une consommation horaire de 18.9 ltr/hr !
L’AFM ne précise pas pour quel réglage de la mixture ces performances sont obtenues : meilleure économie ou meilleure puissance ?
Causes possibles
Diverses hypothèses ont été identifiées et analysées :
- Robinets de purge mal fermés :
o l’absence d’écoulement ou de suintement a été vérifiée par l’élève lors de la visite prévol et confirmée sur les vols suivants ;
- Influence du vent en route :
o la correction totale du Tsv calculée après le vol pour le trajet effectué et avec le vent de la WINTEM dans le secteur d'évolution est d’environ 1 minute ;
- Moindre Vp en croisière et surconsommation dues à :
o un colmatage du filtre à air : vérifié OK avec l’Alternate Air aux Essais Moteur ;
o un réglage inadapté de la mixture : l’impact d’une mixture optimisée n’a pas été évalué ;
o une perte de rendement de l’hélice dûe à l’érosion des pales : l’impact est difficile à mesurer.
Une vérification sur des vols postérieurs à l’incident et effectués dans des conditions similaires révèle qu’en réalité la Vp croisière atteint tout juste 100 kt à 2300 RPM au lieu de 120 kt et la consommation horaire est de 22 ltr/hr au lieu de 20 ltr/hr.
Ces écarts de performances en Vp (- 20 kt) et en consommation horaire (+ 2 ltr/hr) affectent les temps de vol (+ 18 minutes) et l’emport minimum de carburant (+ 12.6 ltr).
Cause(s) probable(s)
Durant le vol effectif de 2.3 hr la consommation horaire était de 22 ltr/hr (écart de + 3.1 ltr/hr sur la consommation « théorique » de 18.9 ltr/hr) : il en résulte un délestage de 50.6 ltr et une réserve totale de 13.1 ltr (pour 63.70 ltr d’emport carburant mesuré).
Le fait qu’à l’atterrissage il restait seulement 1.3 ltr utilisables dans le réservoir suggère une erreur de lecture de la jauge manuelle de 11.8 ltr (13.1 – 1.3), ce qui réduit de 32 minutes l’autonomie au départ.
Conclusion : le quasi épuisement de la réserve finale est dû à un emport insuffisant de carburant ayant pour origine une erreur de lecture de la jauge manuelle.
Facteurs contributifs principaux
Préparation du vol
o Vérification partielle par le FI de la préparation de vol faite par l’élève qui sous évalue l’emport minimum de carburant ;
o Biais de confirmation du niveau de carburant présent dans le réservoir mesuré au départ ;
o Elève non averti des conséquences de la monte temporaire d’une hélice Sensenich sur les performances
Conduite du vol
o Biais de sélection de données : pas de prise en compte de l’indication de la jauge électrique ;
o Biais de confirmation du niveau indiqué par la jauge électrique avec le délestage estimé résultant du produit « Temps de vol écoulé x Consommation horaire de calcul » ;
o Pression temporelle (heure limite pour atterrir dépassée).
Autres facteurs contributifs
o Absence de système d'alerte "bas niveau carburant" ;
o Exploitation de l’avion en croisière à diverses puissances, altitudes et températures (conditions de vol), induisant une grande variabilité de la consommation de carburant qui rend difficile d’établir la consommation horaire réelle (selon avitaillements effectués) et sa comparaison à celle mentionnée dans l’AFM ;
o Non homogénéité temporaire de la flotte des DA20 : hélice Sensenich montée sur l’un des trois avions de la flotte et MT Propeller montée sur les deux autres.

L’analyse de l’événement à laquelle l’élève et l’instructeur ont participé, a permis d’identifier plusieurs pistes d’amélioration dans les domaines de la planification, de la préparation technique et de la réalisation des vols d’instruction ainsi que des vols effectués par les pilotes qualifiés :
1. Organisation des rendez-vous pédagogiques et planifications des créneaux de vol de manière à disposer d’un laps de temps suffisant [réduction des risques associés à la pression temporelle] ;
2. Accompagnement de l’élève dans sa préparation de vol et débriefing de cette dernière avant de réaliser le vol afin de détecter et traiter les erreurs ou les lacunes et de partir en vol avec un projet de vol et un plan B réalisables [réduction des risques associés à une préparation insuffisante] ;
3. Conduite du vol selon le projet de vol ou le plan B, communication en cas d’écart ou d’événement inattendu, chronométrage et vérification régulière du déroulé du vol et de l’état des ressources (procédure « point tournant », circuit visuel), écriture sur le journal de bord (log) des informations pertinentes (données ATS, heures estimées et réelles, changements, actions non planifiées) [réduction des risques associés aux interruptions et à une surcharge de travail] ;
4. Exercice de la fonction d’instructeur avec en « tâche de fond » le traitement des erreurs et des menaces (TEM) [inhérent à la fonction de commandant de bord] en ayant une vigilance particulière sur les «écarts » de l’élève ;
5. Rappel à chacun de :
- la grande variabilité de la consommation horaire ;
- la nécessité de :
• faire une double vérification du niveau de remplissage du (des) réservoir(s) et de sa traduction en Litres de carburant utilisables ;
• mesurer le niveau de remplissage avec une jauge manuelle (si applicable) puis vérifier la cohérence entre ce niveau et celui indiqué par la jauge électrique ;
• vérifier l’absence d’écoulement ou de suintement de carburant aux robinets de purge ;
• vérifier en vol le niveau de carburant indiqué par la jauge électrique et le croiser avec le délestage calculé selon la formule« Temps écoulé x Consommation horaire de calcul ».
Ces pistes d’amélioration seront communiquées au Responsable Pédagogique et à la Commission Interne pour le Sécurité des Opérations Aériennes de l’aéroclub.
Actions correctives :
o Revérification à postériori de la bonne fermeture des robinets de purge ;
o Performances réelles avec l’hélice Sensenich :
- en Vp : vérifiée sur un « vol test » postérieur à l’incident
- en consommation horaire : vérifiée sur 8 vols postérieurs à l’incident
o Monte définitive d’une MT Propeller
o Ajout dans l’AFM d’une copie de EASA STC AS 01404 mt-propeller relative à sa monte et à son impact sur la performance Vp en croisière
o Livret des procédures, chapitre AVANT ALIGNEMENT : ajout d’un item de confirmation de l’autonomie au départ par lecture du niveau carburant indiqué par la jauge électrique
Actions préventives :
o Réexamen avec l’élève :
- des actions de préparation de vol, en particulier la prise en compte du vent en route et de l’influence des conditions de vol (altitude, température, RPM) sur les performances ;
- des actions de suivi de navigation (cf. Log de navigation, procédure « Point tournant ») ;
- de divers items du Livret des procédures :
• « Carburant » (chapitre VISITE PREVOL : Niveaux de remplissage et purges)
• « Circuits, quantité FUEL & alarmes » (chapitre : EN CROISIERE)
• « Croisière » (chapitre PERFORMANCES) ;
o Invitation à lire ou relire :
- le Rapport d'accident DA20 2011_042_A_ENG.pdf (cause probable : assèchement total du réservoir à carburant via les purges)
- les Flashs Sécurité des Vols, intitulés :
• Purge essence
• Check list ou séquence d’actions interrompue ou effectuée dans un ordre inhabituel = DANGER
- les Conseils Sécurité, intitulés :
• Dans quelles situations interrompre volontairement un vol ?
• Objectif : destination, un syndrome souvent fatal !
• Gestion du carburant en vol : usage de réservoirs multiples, faut-il assécher ?
• Appauvrir ou enrichir la mixture : une affaire de dosage!
• L’alimentation en air du moteur : une fonction vitale !
• Avitaillement en carburant : pour qu'il n'y ait pas le feu !
• Les performances se dégradent avec les beaux jours !
• Préparer un vol: un travail à accomplir en deux phases !


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