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Collision hélice avec une balise jaune sur parking en herbe
Ref : C4M5I9WL83

Dates

Date de déclaration : 25/08/2020
Dernière modification : 30/08/2020
Date de clôture : 30/08/2020

Descriptif de l'évènement

Titre de l'incident:
Impact de l'hélice de l'AT3 sur une des balises jaunes délimitant le parking en herbe de LFxx.
Lieu: Parking en herbe
Horaire: Dimanche 16 août un peu avant 14h30 UTC
Contexte: Trajet au sol entre le stationnement et la pompe à essence avant le vol retour vers LFyy.
Description détaillée de l'évènement:
-> Avant d'entamer le trajet retour à LFyy un plein carburant est nécessaire.
-> À ce moment là je viens de régler la taxe d'atterrissage et regarde depuis le batiment de l'aérodrome, situé à une cinquantaine de mètres du parking, un avion quitter le parking et rejoindre directement le taxiway puis la piste via une zone d'herbe mal tondues située immédiatement en face des appareils.
Cette zone sert normalement de séparation entre le parking et le taxiway et n'a pas vocation à servir de raccourci.
-> Après avoir observé la scène je commence à me diriger vers l'AT3 qui est à ce moment stationné dans le parking en herbe pour les visiteurs, le nez est à environ une longueur d'avion (7~10m) de la limite du parking matérialisée par des balises jaunes espacées d'environ 25m et haute d'environ 50cm. Un avion est garé sur la gauche de l'AT3, le plot de séparation le plus proche se situe à une dizaine de mètres sur l'avant et la droite de l'AT3.
-> Mon idée originelle de déplacer manuellement l'avion jusqu'à la pompe sur 70~80m avec la perche à travers le parking en herbe est assez rapidement abandonnée car j'avais dû déplacer 2 lourds Cessna en partant de LFyy et, bien que l'AT3 soit beaucoup plus léger, la distance à parcourir et la surface en herbe m'ont découragés, le déplacement se fera donc avec la puissance moteur.
-> Ayant décidé de déplacer depuis le point de stationnement l'AT3 avec son propre moteur 2 trajectoires sont possibles pour rejoindre la pompe :
1/ 'à travers' la limite du parking via la zone d'herbes mal taillées (mais roulable) de quelques mètres de large pour rejoindre directement le taxiway en dur et via son intermédiaire la pompe à essence.
2/ un virage à 180° par la droite pour m'éloigner de l'appareil garé à la gauche de l'AT3 suivi d'un virage à droite pour lui passer derrière et rejoindre la pompe.
-> Bien que plus simple j'exclus la première possibilité, l'aéronef parti avant moi était passé à travers cette zone mais en ayant l'air pas mal secoué, et de toute façon il ne s'agit pas d'une zone de manoeuvre autorisé.
Je rejoindrai donc la pompe en faisant 3 quarts de tours par la droite via la zone de roulage du parking.
-> J'atteins l'AT3 à la fin de cette réflexion et prend position dans le cockpit en place gauche avec une stratégie bien établie en tête.
Avant de monter dans l'AT3 j'avais évalué que l'espace entre la ligne de balises et l'AT3 faisait environ la largeur de l'avion ce qui m'a paru suffisant pour faire mon demi tour sans déborder de la zone de parking.
-> À ce moment je suis donc assis à gauche du cockpit bien conscient de l'existence d'une ligne à ne pas franchir (c'est le but de ma manoeuvre !) matérialisée par des balises mais je n'ai plus de visuel sur la balise la plus proche qui est sur l'avant droit de l'AT3 et cachée par le capot moteur.
-> Difficile à affirmer de façon certaine à posteriori mais une fois dans le cockpit je pense que je n'avais pas précisément conscience de la présence de cette balise.
Il y avait des balises oui, mais elles étaient loin de moi et je pensais avoir la place de faire ma manoeuvre.
De plus contrairement à l'appareil garé à ma gauche et son pilote qui s'apprêtait à monter dans son cockpit, que j'avais clairement identifié comme 2 obstacles à éviter absolument, la petite taille des balises n'en faisait pas un objet d'inquiétude car je les pensais trop petites pour présenter un danger: l'avion et son aile pouvant passer au dessus.
Dans mon esprit donc à ce moment là les balises présentent pas de risques: elles délimitent le terrain et... c'est tout, ce n'est pas un objet percutable, l'idée que je pourrais les percuter ne me traverse pas l'esprit.
Le danger que j'ai identifié c'est l'appareil garé à gauche et son pilote mais pas les balises.
Depuis le cockpit je ne vois donc que de l'herbe, j'ai identifié 2 obstacles dangeureux à gauche je suis persuadé d'avoir la place de faire ma manoeuvre par la droite, je me prépare à démarrer.
-> À LFyy j'avais noté que si on fait tourner l'AT3 sur place la roulette de nez prend 90° d'angle avec le fuselage et il est alors difficile de remettre la roulette droite pour sortir du virage ce qui fait qu'on a parfois tendance à tourner un peu plus que souhaité initialement.
À l'inverse en prenant un tout petit peu d'élan c'est beaucoup plus simple de faire tourner l'AT3 puis de le remettre droit après le virage.
Comme c'est déjà galère de tourner sur place sur un terrain en dur j'imagine que ça sera bien pire sur un terrain en herbe donc j'opte pour la seconde stratégie: un virage en roulant à petite vitesse.
-> La manoeuvre de demi tour envisagée est donc:
- Avancer pendant environ un mètre pour que l'avion prenne un tout petit peu d'élan.
- Tourner par la droite mais sans bloquer la roue droite sur place afin de ne pas mettre la roulette de nez à 90° et rendre la sortie de virage facile
- Sortir de virage en freinant doucement à gauche pour remettre l'avion droit avec un cap opposé à celui précédent le début de la manoeuvre.
Cela rend la manoeuvre plus simple mais a aussi pour effet d'augmenter grandement le rayon de virage ce qui n'est pas un risque que j'identifie à ce moment.
-> Les abords étant dégagés, en particulier à gauche : mise en route du moteur
-> Je met doucement la puissance pour commencer à bouger: 2000tr/mn, l'avion ne bouge pas. 2500tr/mn, l'avion ne bouge pas... le terrain en herbe est décidément profond. 2700~2800tr/mn l'avion démarre doucement, je réduit tout de suite vers 2500 pour ne pas accélérer trop vite et je démarre mon demi tour.
-> Après quelques secondes et un peu moins d'une dizaine de mètres parcourus et après avoir tourné d'environ 80° vers la droite j'entends un bruit anormal : un léger craquement à l'avant gauche.
-> J'immobilise immédiatement l'appareil, réduit la puissance et pense à un problème moteur: non, les paramètres moteurs semblent normaux et il n'y a plus de bruits bizarres et pas de vibrations anormales.
Un problème de frein est aussi exclus car l'avion est parfaitement immobile semblant indiquer que les freins fonctionnent et que le bruit entendu ne correspondait pas au bruit entendu de la part des freins habituellement.
-> Je pense alors avoir roulé sur quelque chose.
Ma première réaction est: Non il n'y avait pourtant pas d'obstacles (du moins le croyais je...) et si j'avais roulé sur quelque chose qu'est ce qui aurait pu faire ce bruit ? Des feuilles ? Non, des branches ? Non... après 10 à 15s de réflexion et n'ayant pas d'idées satisfaisantes je décide de couper le moteur et de retirer les clés du contact et de descendre de l'appareil voir ce qu'il se passe.
-> Une fois dehors il apparait très clairement que le craquement a été provoqué par l'hélice lorsqu'elle est entrée en contact avec une des balises jaune délimitant le parking. Une des pales est endommagée et il lui manque environ 5cm de carbone à l'extrêmité (ils seront retrouvés à proximité).
-> Le voyage retour en avion s'arrête ici, tout retour par la voie des airs à LFyy avec l'AT3 est désormais impossible en raison de la pâle endommagée.
-> Pas de blessés et des dégâts qui de prime abord paraissent minimes sur l'avion puisque seule une pale d'hélice est touchée, j'ai fait une belle bêtise et l'avion est inutilisable mais c'est quand même un premier soulagement.
-> Fort heureusement je trouve auprès du club local une place dans un hangar pour mettre l'AT3 à l'abri pendant quelques jours et un autre pilote rentrant également en Ile de France a l'aimabilité de me ramener en tant que passager. L'avion est à l'abri et ma journée ne s'achève pas par une interminable galère de transport, finir la journée sur une petite note positive remonte un peu le moral qui en avait pris un coup.
Autocritique:
De l'incident je retiens plusieurs erreurs:
- Une mauvaise évaluation des risques liés aux infrastructures qui m'a conduit à penser que les balises délimitant l'air de parking ne présentaient pas de danger.
Très grosse erreur, qui heureusement ne conduit qu'à un simple incident avec une balise en plastique et pas un plot en béton, un poteau en métal ou pire.
Les balises sont petites et servent à délimiter l'espace oui mais se ne sont pas des objets 'virtuels' comme pourrait l'être une ligne de peinture au sol, on peut les percuter avec l'hélice !
- Une mauvaise représentation dans l'espace de la manoeuvre que je m'apprêtais à réaliser.
Le fait que visuellement on pouvait faire rentrer entièrement l'avion entre sa position actuelle et le bord du parking fait que l'espace disponible était sans doute suffisant pour faire un virage sur place en ''plantant une roue dans le sol'' tel que je me le suis imaginé en regardant la zone. En revanche l'espace n'était plus suffisant pour un virage en roulant, ayant nécessairement un rayon de virage plus grand qu'imaginé au départ, et tel qu'entrepris une fois aux commandes.
Grosse erreur qui par malchance conduit droit dans une balise.
- L'absence de visibilité vers l'avant droit de l'appareil depuis la place gauche. Qui fait que je n'avais pas de visuel sur la zone sur laquelle je m'apprêtais à rouler.
Grosse erreur également, j'avais vérifié avant d'embarquer que la zone était dégagée mais une fois à bord après avoir commencé à rouler je n'ai plus contrôlé que c'était le cas. Même si je pense qu'au vu des positions relatives je n'aurais quoiqu'il arrive pas pu voir la balise et l'éviter une fois que j'avais commencé ma manoeuvre ça n'excuse pas mon imprudence.
Si après coup en écrivant ces lignes le danger que représente l'absence de vue directe sur la zone où on s'apprête à rouler tombe sous le sens dans le cockpit lorsque que j'entamais mon demi tour cela me paraissait moins évident.
- Une mauvaise représentation mentale de l'avion, en particulier la garde au sol de l'hélice.
L'expérience du roulage à LFyy et sur des aérodromes en dur où les taxiways et parking sont parfaitement balisés par les lignes jaunes. Sur ces aérodromes tant que l'on suit la ligne jaune le danger est principalement sur les côtés et cela m'avait fait réaliser qu'il fallait faire attention à ne pas accrocher les bouts d'ailes et l'empennage aux autres aéronefs parqués mais grandement sous estimer le risque de percuter quelque chose par l'avant avec l'hélice puisque ce risque est très faible tant qu'on suit la ligne jaune.
Sur un terrain en herbe où les lignes ne sont pas matérialisées c'est bien différent.

Facteur ayant favorisé l'incident:
- Très faible expérience de la manoeuvre de l'AT3 sur l'herbe et plus généralement des terrains en herbe.
Mon expérience des pistes en herbe se résumait jusqu'à présent à des simples touchers à Dreux et un complet à Montargis, un terrain ne nécessitant pas de manoeuvres complexes sur les taxiway ou le parking en herbe.
J'ai projeté mon expérience des manoeuvres sur terrain en dûr à LFyy à la situation à laquelle je faisait face mais ce n'était pas approprié.
Les balises étaient pour moi un objet méconnu et que je n'avais pas intellectualisé comme pouvant être dangeureux.

Satisfecit:
Malgré des erreurs conduisant à l'incident il y a malgré tout quelques points positifs dans la séquence qui je pense sont des bonnes pratiques à conserver:
- La volonté de faire une manoeuvre respectant les règles de circulation au sol et ne reproduisant pas ce que je pense être une mauvaise manoeuvre de l'aéronef m'ayant précédé.
- Une réflexion sur la manoeuvre que je souhaitais entreprendre avant de l'effectuer, je ne suis pas monté dans l'avion puis parti au roulage 'au hasard': j'avais en tête une idée précise de ce que je souhaitait faire avec l'avion... même si ça ne s'est finalement pas passé exactement comme prévu.
- Prendre le temps de la réflexion à la découverte d'une anomalie: arrêt immédiat du roulage de l'avion dès la découverte du bruit anormal, un temps de réflexion puis en l'absence de réponse satisfaisante l'arrêt du moteur pour réfléchir tranquillement.

Cette évènement restera une très bonne leçon que je retiendrais longtemps !

Classification de l'évènement

La déclaration concerne : Sécurité des vols (SV)
Catégorie : Matériel
Nature du vol : VFR Jour
Conditions météo : CAVOK
Environnement : Autre
Phase de l'évènement : Au roulage
Type de vol : Navigation
Type d'évènement : Autre type de problème
Type d’aéronef : AT3 R100
Equipement : Instrumentation mixte (aiguille + GPS par exemple)

Evaluation du risque

Traitement de l'évènement


Contrairement aux terrains en asphalte, les terrains "gazonnés" comportent des menaces plus nombreuses comme le souligne le pilote de cet évènement. Des trous peuvent exister et la garde au sol de l'hélice peut ne pas être suffisante pour éviter le contact avec le sol. Les balises délimitant les pistes, les taxiways et les parkings peuvent être masquées par des herbes hautes. Le roulage peut y être plus délicat et nécessite un surcroit de puissance.
L'identification des obstacles et du balisage est un point clé. Certains avions ne permettent pas d'avoir un angle de vision vers le sol suffisant (assise du pilote trop basse). C'est une menace à prendre systématiquement en compte. Les obstacles masqués par le capot moteur peuvent devenir rapidement un danger potentiel pour l'hélice notamment. Identifier les obstacles devant l'avion avant de s'y installer et vérifier qu'on les a toujours en vue après être installé est une bonne pratique.
Un briefing roulage effectué systématiquement même pour un roulage court mettant en exergue les obstacles identifiés avant de monter dans l'avion peut permettre d'avoir une meilleure conscience de la situation avant de débuter le roulage.

Actions correctives : Cet incident sans gravité humaine a pour conséquence le remplacement de l'hélice mais aussi un remplacement des roulements de vilebrequin.
Actions préventives : Un rappel sera fait aux pilotes sur les menaces et les risques rencontrés sur les terrains en herbe.

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