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Décollage et atterrissage vent arrière
Ref : FXI9S2HTRI

Dates

Date de déclaration : 12/12/2021
Dernière modification : 14/12/2021
Date de clôture : 14/12/2021

Descriptif de l'évènement

Contexte du vol :
Vol local.
Terrain non contrôlé et très limitatif : piste de 600 mètres avec des obstacles dans les trajectoires et un seuil décalé réduisant la TODA à 488 m.
Prise de connaissance des données MTO et des NOTAMS.
Rien de particulier. Pas de NOTAM en dehors de ceux, habituels, précisant les limitations d’utilisation des pistes et les obstacles.
METAR de LFPB : 021200Z AUTO 06013KT CAVOK 23/11 Q1023 NOSIG=
METAR de LFPG : 021200Z 07014KT 030V100 CAVOK 23/10 Q1023 NOSIG=
Prise de l’ATIS du terrain contrôlé voisin :
Vent du 020 pour 7 à 14 kt, variable du 330 au 090
10 kms de visi
23°C
QNH : 1023
Masse de 1057 kgs pour une MTOW de 1270.

Description de l’événement :

Mise en route moteur et prise de connaissance de la manche à air. Roulage pour le seuil de piste 22.
Essais moteur RAS.
Alignement et décollage piste 22. La puissance est disponible. Premier signal faible : le badin met du temps à s’activer, au point que je jette un coup d’œil sur le pitot (avion à ailes hautes) même si je me souviens très bien d’avoir retiré le cache ainsi que les protections des statiques. L’avion accélère mais le badin n’atteint pas une valeur cohérente par rapport à la distance de piste parcourue. En toute logique je dois interrompre le décollage mais je poursuis, pris dans la dynamique du décollage. Très rapidement la distance de piste restante n’est de toute façon plus suffisante et l’avion doit décoller. J’ai trop tardé à analyser la situation et à prendre ma décision. Rotation, l’avion décolle mais avec une vitesse toujours faible et le sentiment qu’il ne veut pas accélérer. Je gère la trajectoire au plus juste pour gagner les nœuds qu’il me manque et l’inconfort de ne pas comprendre ce qu’il se passe commence à être bien présent. Une fois arrivée à la hauteur du tour de piste, réglage de la puissance aux valeurs de la croisière. L’avion semble enfin se comporter normalement mais je ne comprends toujours pas ce qu’il s’est passé. Je fais quelques évolutions en m’éloignant du tour de piste pour tester l’avion. RAS. Je reviens vers le terrain, fait une verticale et m’intègre en vent arrière 22. Préparation de la machine. Tout se passe enfin normalement même si le stress de ce décollage particulier se fait bien sentir. Un fois établi en finale, je remarque un surcroit de vitesse que je n’arrive pas à résorber. Je vérifie la configuration atterrissage et tout est nominal, sauf cette vitesse excessive d’une dizaine de nœuds. Le sentiment d’inconfort revient, aidé par le reliquat du stress du décollage, dont les effets se font toujours sentir. L’avion n’est clairement pas stabilisé mais je rentre dans une sorte « d’objectif destination » et la remise de gaz ne me semble pas être une option possible. Je pense que l’avion a un problème que je n’ai pas identifié et je ne veux pas rester en vol dans une machine dont les réactions ne sont pas nominales. La piste est là, elle me tend les bras. Je me pose très long et je suis obligé de freiner fort pour rester dans l’emprise de la piste (très peu de marge entre le bout de piste et les barrières qui clôturent le terrain). L’avion freine très bien et la vitesse est finalement maîtrisée avant la fin de piste.
Retour au parking et coupure moteur. Je refais le vol dans ma tête pour essayer de comprendre, tout en essayant d’évacuer mon stress.
Un pilote d’un club voisin, que je connais, viens alors me voir et me demande si c’est volontaire d’avoir décollé et atterri avec le vent dans le dos. Je regarde la manche à air d’un air incrédule et je comprends mon erreur que je n’arrive pas à comprendre. Les réactions de l’avion s’expliquent donc parfaitement. Je suis sous le choc d’avoir clairement le sentiment de ne pas être passé loin de l’accident.

Classification de l'évènement

La déclaration concerne : Sécurité des vols (SV)
Catégorie : Facteurs Humains
Nature du vol : VFR Jour
Conditions météo : CAVOK
Environnement : Non Contrôlé (Classe F, G)
Phase de l'évènement : Au décollage
Type de vol : Local
Type d'évènement : Autre type de problème
Type d’aéronef : CESSNA
Equipement : Instrumentation mixte (aiguille + GPS par exemple)

Evaluation du risque

Traitement de l'évènement


Analyse de l'événement après entretien avec le pilote concerné (basé sur le modèle HFACS - Human Factors Analysis en Classification System) :

- Type d’écart : erreur de jugement et de décision. Deux éléments distincts peuvent être retenus dans cette catégorie :
o L’erreur consistant à décoller et atterrir vent arrière.
o La prise de décision défaillante lorsque des signaux anormaux sont apparus, que ce soit au décollage ou à l’atterrissage (le mode cognitif « automatique » a largement pris le pas sur le mode « adaptatif ») : pas d’interruption du décollage et pas de remise de gaz.

- Conditions préalables : plusieurs facteurs peuvent être retenus dans cette catégorie, que ce soit dans la sous-catégorie Etat d’esprit ou la sous-catégorie Conscience de la situation :
o Une certaine sur-confiance liée au fait que le pilote connait très bien l’avion concerné et très bien le terrain avec ses particularités.
o Un vol local générant une préparation plus « légère » que pour une navigation longue distance, favorisée en cela par une météo très bonne.
o En termes de motivation : une certaine volonté de ne pas perdre trop de temps afin de garder de la disponibilité pour des tâches administratives à faire au club après le vol.
o Un manque d’attention : défaut de traitement d’une partie des informations disponibles, en particulier celles sur le vent. La prise de connaissance des METAR et de l’ATIS du terrain voisin n’ont pas permis d’opérationnaliser les informations de vent. Même chose lors de la prise en compte de la manche à air avant le décollage : le pilote avait déjà l’esprit dans son vol et n’a pas conscientisé l’information. La verticale terrain, avant de s’intégrer de nouveau dans le tour de piste, n’a pas permis de corriger l’erreur de représentation mentale. Le pilote n’a pas réellement regardé de nouveau la manche à air. Dans son esprit, le problème venait de l’avion et non d’un facteur extérieur, il n’y avait donc aucune raison que le vent ait changé depuis le décollage 5 minutes avant.
o Gestion du stress insuffisante après le décollage, pour analyser correctement la situation et rétablir une conscience de la situation adaptée.

- Supervision et influences organisationnelles :
o Le pilote n’avait pas pratiqué de remises de gaz en instruction, depuis longtemps, ce qui a pu participer à son hésitation à en faire une (les RDG sont souvent perçues comme une procédure délicate à réaliser par beaucoup de pilotes).
o A noter qu’une qualification de site est prévue pour ce terrain, mais que sa mise en application a été retardée par la DGAC. Bien que tous les autres pilotes du club aient déjà été qualifiés, le pilote concerné ne l’était pas encore. En effet, le retard pris par l’autorité dans la mise en place de cette qualification a conduit l’aéroclub à suspendre les prorogations et nouvelles formations afférentes. Or, cette formation spécifique aurait peut-être pu éviter l’événement puisqu’une bonne partie de cette qualification porte sur l’évaluation des distances de décollage et d’atterrissages ainsi que sur les points de décisions correspondants. Cela aurait pu permettre au pilote de prendre la décision d’interrompre le décollage au bon moment.

Conclusion :

Cet événement est lié à un déficit de conscience de la situation du pilote ainsi qu’à des prises de décisions inadaptées en situation dynamique. Ces erreurs ont été favorisées par un ensemble de contextes et de facteurs, que ce soit au niveau individuels ou organisationnels.

Actions correctives :

- Débriefing du pilote concerné avec le RP.
- CRESAG et REX pour partage d’expérience.

Actions préventives :

- Demande aux FI d’insister sur les thématiques suivantes lors des prochains vols de maintien des compétences des membres du club :
o préparation du vol rigoureuse, même pour un vol local (être certain d’avoir exploité toutes les informations disponibles)
o distances de décollage et atterrissage ainsi que les points de décision correspondants
o prise de décision : comment sortir du mode cognitif automatique et activer le mode adaptatif
o prise en compte des signaux faibles (être à l’écoute de son discours interne et de son inconscient d’adaptation)
o gestion du stress
o gestion d’une remise de gaz tardive.
- Demander à l’autorité d’accélérer la mise en place de la qualification de site pour reprendre les formations correspondantes, sur l’intégralité du programme.

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