Alors que je remorque sur le terrain de LFxx, je suis contacté dans l’après-midi pour un dépannage air du planeur bi-place F-xxxx de notre club à LFyy. Le biplace F-xxxx est un planeur long à décoller, mais j’ai déjà fait des dépannages depuis ce terrain en twin. J’ai une bonne expérience de cet avion et de ce genre de décollage avec des planeurs lourds que je pratiquais à LFzz. Je ne suis donc pas inquiet, je pense que nous redécollerons avec une seule personne dans le planeur. Je m’assure donc de partir vers LFyy avec suffisamment d’essence pour respecter les règles de vol, tout en ayant un minimum de carburant pour alléger au maximum l’avion. Je prends un câble court et part en direction du terrain voisin après avoir mis un planeur en l’air, le câble long toujours accroché. Une fois posé, je trouve le planeur prêt à repartir, l’instructeur et son élève sont seul en bout de piste, et je suis étonné de voir qu’ils se préparent à repartir ensemble dans l’aéronef. Je contact par radio : « tu es sûr de repartir à deux ? ». L’instructeur me réponds immédiatement que oui. Je ne me pose pas de question, si celui-ci, chef pilote l’estime, il connait parfaitement les machines, nous pouvons donc le faire et j’ai confiance. Il n’y aura personne en bout d’aile et la circulation sur la route en bout de piste ne sera pas non plus stoppée comme nous avons pu le faire par le passé avec des planeurs plus faciles à décoller. Le chef pilote m’indique de mettre les gaz et d’attendre avant de lâcher les freins pour mettre les ailes ses l’horizontale, il me donnera le top. Il est ainsi fait, je m’exécute et l’avion accélère. Ce sera un décollage en lisse, puis un cran de volet dès que l’avion décolle. Tout le long de la phase de roulage je vérifie si je vois arriver un véhicule sur la route que nous allons survoler. Si nous touchons un véhicule, ce sera fatal pour l’attelage. L’avion décolle, nous passons la route et nous sommes hors de danger. Nous sommes passé très très bas au-dessus de la route, aucun véhicule n’est passé à cet instant, nous avons eu de la chance.
Je retire l’enseignement suivant de cette expérience : Nous avons eu « de la chance », mais j’ai parfaitement oublié mes responsabilités en tant que CDB de l’attelage. Je savais cette opération très limite, et à aucun moment je ne m’autorise à remettre en cause la demande du chef pilote. L’habitude de remorquer, je n’ai pas vérifié non plus les performances de l’appareil par rapport aux conditions de remorquage du moment. Cependant dans notre activité, nous avons l’habitude de faire confiance à ceux qui nous enseignent, et tout en n’écartant pas mes torts, je ne comprends pas la consigne qui m’a été donnée.
Classification de l'évènement
La déclaration concerne :
Sécurité des vols (SV)
Catégorie :
Facteurs Humains
Nature du vol :
VFR Jour
Conditions météo :
CAVOk 24°C
Environnement :
Non Contrôlé (Classe F, G)
Phase de l'évènement :
Au décollage
Type de vol :
Autres
Type d'évènement :
Procédures sol
Type d’aéronef :
Rallye MS 893 Commodore
Equipement :
Instrumentation classique (aiguille)
Evaluation du risque
Traitement de l'évènement
Cet incident n'a donné lieu a aucun REX spontané de la part des pilotes de l'attelage. Le REX publié a été transmis tardivement suite à la demande du Correspondant Prévention Sécurité du club.
Ce sont des pilotes qui ont assisté au remorquage qui ont alors averti le président de notre club que l'attelage était passé beaucoup trop bas en bout de piste alors qu'il y a une route ouverte à la circulation en bout de piste et que ça aurait pu donner lieu à un accident s'il y avait eu un véhicule sur cette route. Une "enquête" interne a été menée pour déterminer s'il y a eu vraiment une prise de risques.
L'équipage ayant conscience de la faible longueur de piste au décollage a appliqué toutes les techniques de remorquage piste courte (corde courte, sortie des volets remorqueur à 85 km/h, point de décrochage si accélération insuffisante...). Néanmoins aucune aide n'a été demandé aux pilotes de la plateforme pour maintenir les ailes du planeur à plat au décollage et fermer la route en bout de piste. Une étude des performances (avec beaucoup d’interpolations car peu de données dans manuels de vol) montre qu'il y avait une marge entre 28 et 40 m sur la longueur de piste. Mais avec l'hypothèse d'un remorqueur neuf, délivrant bien ses 180 ch, d'aide pour maintenir les ailes du planeur à plat... Le fait de laisser un pilote au sol aurait permis de gagner environ 50 m sur la longueur de décollage, ou 3 m sur le passage du seuil.
L'étude du Flarm du remorqueur a montré que le seuil est passé à 8 m au lieu de 15 m, et la route passée à 10 m. Données qui indiquent que les distance de décollage sont supérieures de 150 m à celles calculées. Le témoignage du pilote du remorqueur laisse penser que ça pourrait être moins que 8 m Le Flarm montre que l'attelage est resté dans l'effet de sol très longtemps car au bout de 1700 m il n'est monté que de 73 m.
Dans notre étude des performances, nous avons aussi constaté que l'attelage était en surcharge de 4 kg. C'est peu mais c'est néanmoins trop.
Les 3 pilotes impliqués ont reconnu à posteriori que ce remorquage avec 2 personnes dans le planeur n'avait pas été une bonne idée.
Actions correctives :
Interdiction de remorquer le planeur bi-place avec 2 pilotes pour tout terrain de moins de 700 m. Remorquage autorisé sur piste inférieure à 700 m uniquement avec 1 pilote et vent favorable clairement établi. Le pilote du remorqueur sera le seul à décider.
Pour tous les remorquages, quel que soit le terrain, un calcul devra être fait pour s'assurer que la masse du planeur bi-place est conforme au manuel de vol du remorqueur (planeur max 620 kg). La masse du planeur sera transmise avant chaque décollage au pilote du remorqueur qui sera le seul à décider.
Actions préventives :
Le président du vol à voile, instructeur très expérimenté, dispose d'un autorité naturelle qui ne laisse pas de place au doute. Il est indispensable d'instaurer une culture du doute, et que les membres du club osent s'exprimer quand ils ne sont pas d'accord. Tout le monde sans exception peut commettre une erreur de jugement et il est du devoir de chacun de s'assurer que la sécurité des vols est garantie. Nous rappelons que c'est le pilote du remorqueur qui est commandant de bord de l'attelage. Il doit assumer pleinement cette fonction.
Réfléchir à un tableau de calculs des performances de l'attelage en fonction de la Masse, OAT, Zt, Vent... extrapolé du manuel de vol en prenant une marge de sécurité de 25%.