Je prévois initialement d'aller faire des tours de piste en DR221 à LFPN depuis LFPZ. La météo annoncée étant mauvaise (bancs de brouillard), je repousse mon créneau (début 10h45 au lieu de 10h). Constatant que le brouillard ne vient finalement pas, et sachant que les prévisions météo indiquaient une tendance globale à l'amélioration au cours de la journée, je maintiens mon projet de vol. Voyant que LFPN est toutefois pris dans le brouillard, et que la météo est en revanche très bonne vers le nord ouest (Rouen etc.), je décide de partir en vol local en direction de Rouen. L'ATIS (info Charlie) mentionne le passage de bancs de brouillard allant du sud-est vers le nord-ouest, ce qui est cohérent avec mon dossier météo (situation meilleure en partant bien vers l'ouest). Lors du roulage, les messages radio des personnes en vol me permettent de savoir que la sortie nord et la branche vent arrière du circuit sont encombrées, tandis que la sortie ouest est dégagée. L'avion juste devant moi ayant opté pour un circuit basse hauteur, je décolle en 29 avec en tête l'alternative de faire soit une sortie ouest si la météo le permet, soit un circuit basse hauteur. Les nuages permettent une sortie ouest sans aucun souci (trajectoire et altitudes habituelles et aucun problème de visibilité). Le vol local se fait dans d'excellentes conditions, l'essentiel à 3000 ft QNH avec des nuages épars plus bas. Je descend à 1500 ft au niveau des Andelys pour raison touristique, sans difficulté d'évitement des nuages, puis remonte à 3000 ft. Le retour est également sans souci jusqu'à Maule que j'atteins à 2500 ft. L'ATIS (info Echo) annonce des stratus sur le terrain, sans mentionner de plafond. J'entends alors à la radio (St Cyr Tour) que l'entrée nord est encombrée, avec un plafond vers 1000 ft QNH. Pensant que l'entrée ouest est restée plus dégagée que l'entrée nord, je décide alors de renoncer à l'entrée nord et me dirige vers Thoiry, en descente vers 2000 ft, puis fais route vers le sud pour rejoindre la N12 au niveau de Méré. Je suis rapidement obligé de descendre à 1000 ft QNH, avant la N12. Le choix de passer sous les nuages plutôt qu'au-dessus était motivé par le fait que je n'étais pas certain de trouver une trouée plus tard, et par le fait que la base des nuages ne me semblait pas trop bas. Une vérification sur la carte m'avait confirmé l'absence d'obstacle majeur sur la route suivie (cheminement le long de la N12). Après contact avec St Cyr, mon attention est principalement occupée par la recherche de deux trafics (que je n'ai jamais vus), un trafic en sortie ouest à ma gauche qui a visuel sur moi et un autre en entrée ouest venant de ma droite et derrière moi. Je signale bien au contrôleur que je me trouve à 1000 ft (ce qui pose des soucis de visibilité sur le radar secondaire). En arrivant au niveau du premier triangle indiquant l'itinéraire d'entrée ouest dérogatoire sur la carte, toujours à 1000 ft QNH, je suis surpris de constater que le passage devant moi le long de la N12 est barré par des stratus sous lesquels il me semble impossible de passer en sécurité. Compte tenu de la présence d'un trafic en entrée ouest juste derrière moi, je choisis immédiatement de remonter vers 1500 ft pour passer par dessus les nuages, après avoir vérifié le bon fonctionnement de l'horizon artificiel (au cas où je serais entré brièvement dans les nuages en poursuivant tout droit). Je préviens en même temps le contrôleur et demande un guidage, car à ce moment je n'ai plus aucun repère au sol visible dans le secteur avant. Dans le même temps, je prends un cap nord-est de sorte à suivre une trajectoire proche de ce que j'estime être la bonne trajectoire pour rejoindre LFPZ, malgré l'absence de repères au sol. Le contrôleur ne me fournit pas de guidage car il souhaite d'abord savoir si j'ai perdu la vue du sol, ce que je lui confirme. Entretemps, j'ai progressé vers la longue finale et il y a des trouées dans la couche de stratus, ce qui me permet de voir des éléments reconnaissables de Fontenay-le-Fleury et de Rennemoulin. Le contrôleur me propose alors une finale en 11, ce qui me convient, et me laisse choisir à convenance la piste qui m'arrange le mieux. Ayant l'aérodrome en vue, je choisis la 11L sur l'axe de laquelle je reviens (j'étais parti un peu trop au nord et me trouvais initialement à gauche de la finale 11L). Je réalise tardivement que je suis resté à 1500 ft et 2500 tours en lisse, et la piste étant à présent visible, que je suis trop haut et trop rapide. La remise de gaz me semble délicate car les nuages font obstacle, et je ne suis pas certain qu'ils permettent un circuit basse hauteur compte tenu de leur forte présence du côté du circuit ainsi que dans la montée initiale 11. Je cabre pour pouvoir sortir les pleins volets au plus vite (2 crans à la fois), puis poursuis la descente à la VFE (150) de sorte à dégrader autant que possible. Un peu de vent de face m'aide bien, et bien que j'arrive encore un peu long, j'estime la longueur disponible suffisante. Mon souhait de freiner au plus vite me conduis inconsciemment à faire un atterrissage 2 points (je ne m'en rends pas compte sur le moment et ce sont des instructeurs ayant observé mon atterrissage qui me l'apprennent ensuite). L'atterrissage se passe très bien et le freinage ne pose pas de souci et se termine bien avant la fin de la piste. Je remercie le contrôleur pour son aide, qui avait bien perçu l'inquiétude dans ma voix et a fait le maximum pour faciliter mon arrivée.
La représentation que je m'étais faite de la situation météo (tendance globale à l'amélioration, donc si j'arrive à sortir en local le retour sera facile) était clairement erronée. Le choix d'une entrée ouest sachant que l'entrée nord était partiellement bouchée n'était pas le bon, car l'entrée ouest était finalement encore plus bouchée. J'ai réalisé trop tard le problème pour entreprendre un demi-tour qui aurait été dangereux sachant qu'un trafic arrivait juste derrière moi et que le radar secondaire ne nous voyait que par intermittence. Ma trajectoire (enregistreur GPS) en remontant à 1500 ft est proche de la trajectoire habituelle si ce n'est que je suis parti un peu trop vers le nord au niveau de la finale. En finale trop haut et trop vite, j'ai eu tendance à vouloir atterrir à tout prix car la remise de gaz me semblait difficile avec les nuages présents et aussi je pense sous l'effet du stress. En temps normal, cette finale aurait conduit à une décision de remise de gaz de ma part. Je conclus qu'il aurait été préférable de ne pas me placer dans ce genre de situation, en étant plus sceptique sur l'amélioration globale annoncée (qui ne s'est pas confirmée, au contraire), et en prenant des décisions plus tôt (annulation du vol dès le départ, ou déroutement vers un autre aérodrome lors de l'arrivée vers Maule). La très grande rapidité à laquelle je suis passé d'une situation très confortable (local à 3000 ft sous le soleil avec nuages rares en dessous) à une situation bouchée m'a pris par surprise, même si j'avais en tête que le retour pourrait être un peu compliqué. La situation météo au retour était en fait nettement moins bonne qu'au départ, ce qui m'a surpris. L'expérience récente qui m'a beaucoup aidé concerne la pratique régulière du DR221 (permettant de réussir l'atterrissage malgré l'excédent d'énergie en finale), la connaissance de la méthode pour dégrader l'énergie (plein volets à VFE) rappelée par un instructeur lors de mon dernier VEA, ainsi qu'un segment de VEA fait à 500 ft/sol pour exercice (ce qui m'a permis d'avoir une idée du vol aussi bas, que je ne pratique jamais autrement, et aussi de savoir qu'il aurait été dangereux de descendre davantage, ayant conduit à ma décision de remonter à 1500 ft).
Classification de l'évènement
La déclaration concerne :
Sécurité des vols (SV)
Catégorie :
Environnement
Nature du vol :
VFR Jour
Conditions météo :
stratus
Environnement :
Non Contrôlé (Classe F, G)
Phase de l'évènement :
En approche
Type de vol :
Local
Type d'évènement :
Météo: Problème
Type d’aéronef :
DR221
Equipement :
Instrumentation classique (aiguille)
Evaluation du risque
Traitement de l'évènement
• La longue description de son vol faite par le pilote est intéressante pour l’analyse et montre qu’il a dû passer par des instants un peu difficiles. Cela lui permettra probablement de relever ses minimas personnels lors de ses vols futurs. • Les relevés météos de ce jour-là indiquaient des conditions médiocres (cf. la succession de METAR à Toussus) et les prévisions ne présentaient pas de signe évident d’amélioration (cf. TAF de Toussus à 08:00 TU). Les METARS de Pontoise et Rouen ont conduit certains pilotes à entreprendre leur vol malgré tout en changeant leur projet de tour de piste à vol local. • Le pilote reste sur sa première analyse de la situation et a une mauvaise appréciation de l’évolution météo. Il ne tient pas suffisamment compte des signes qui remettent en cause sa représentation de la situation (les pilotes en vol indiquent que la sortie Nord ainsi que la branche de vent arrière sont « encombrées » et le pilote décollant juste avant opte pour une basse hauteur). Pour autant, l’intention de partir en vol est maintenue. Une nouvelle plaque du modèle de Reason vient d’être franchie.
• Ainsi, l’approche à Saint Cyr se fait dans des conditions difficiles à la recherche d’autres trafics, avec un vol à basse altitude suivi d’une remontée à 1500ft et perte de vue du sol. Cela conduit à une présentation en finale 11L trop haut, trop rapide et décalée. Cet évènement se termine bien grâce à l’expérience récente du pilote sur l’avion et sur le terrain mais aurait pu à l’inverse devenir critique. Compte-tenu du stress et de la météo, la remise de gaz semblait aléatoire à moins d’effectuer un circuit basse hauteur qui aurait pu être mal exécuté. Il est vraisemblable que l’envie de se poser était très forte après cette arrivée compliquée. Dans ce contexte où les conditions VMC n’étaient pas présentes dans un circuit basse hauteur, la décision du pilote d’atterrir était la bonne. • Dans ce cas précis le pilote totalise environ 220 heures de vol dont 40 heures dans les derniers 12 derniers mois. Il est sans aucun doute dans la « zone de sur-confiance » avec plus de 200 heures au total. Aurait-il entrepris un vol dans ces mêmes conditions 3 ou 6 mois plus tôt ? • Il devra revoir avec un instructeur l’enchaînement conduisant à sa décision de partir en vol ce jour-là et la façon dont l’arrivée à Saint-Cyr a été menée. Il faudra à cette occasion passer en revue tous les moyens météo mis à la disposition des pilotes pour acquérir une bonne compréhension de la situation actuelle et de son évolution. • L’ATIS de St Cyr ne donnera pas la hauteur des nuages sur le terrain, en revanche quand celui-ci mentionne la présence de stratus, il n’est pas envisageable de maintenir son vol. Les stratus, par définition, sont des nuages de bas étage empêchant de poursuivre ou de revenir sur le terrain.
Actions correctives : • Dans le doute il n'y a pas de doute et si des TAF maintiennent des plafonds bas sur des aérodromes proches du terrain de départ, il ne faut pas partir. • Bien écouter les messages des pilotes en l’air au roulage quand une situation météo est douteuse et en tirer les conséquences.
Actions préventives : • En VEA, des vols par météo médiocre et du VSV devraient être effectués pour que les pilotes se rendent compte du danger. Dans le cas présent le simulateur peut être un bon exercice au sol sans prendre de risque pour restituer le contexte. • Insister sur la nécessité d’analyser la météo des terrains proches, un CAVOK à Pontoise et un OVC005 à Toussus doivent alerter, les conditions météo sont dégradées et risquent d’évoluer de manière défavorable à St Cyr, même s’il y a un grand ciel bleu au moment du départ. • Ce REX peut être pris en exemple lors des cours théoriques météo et des cours facteurs humains.