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Pannes de Badin et de l'altimétrie barométrique
Ref : 42X4JN80C16

Dates

Date de déclaration : 07/02/2023
Dernière modification : 08/02/2023
Date de clôture : 08/02/2023

Descriptif de l'évènement

Mon projet de vol au départ de LFcc est de longer la chaîne des Pyrénées. Un autre avion du club participe à cette sortie. Le projet initial était de partir matinalement avec une escale "déjeuner" à LFbb. Les prévisions météo analysées la veille et réactualisées lors de la préparation du départ imposent un report à l'après-midi en se limitant au piémont à cause de la prévision de turbulence modérée, localement sévère SFC 080 MON120 MTW.
Sur les caméras des stations de ski le ciel est bleu. L'image satellite affiche enfin un massif dégagé sur sa partie Nord, signe d'une dissipation de la nébulosité mentionnée sur la TEMSI France 12UTC (VAL LOC BKN ST 020/007-045 ; BKN SC 060-100/030-050 avec Givrage modéré 100/010). Sur les cartes aérologiques, à 12UTC l'Iso 0°C est à 2000 ft en plaine et à 3000 ft en montagne et l'Iso -10°C à 8000 ft sur la région située entre Toulouse et la chaîne des Pyrénées. A 15UTC l'Iso 0°C est similaire à celle de 12UTC. Après lecture du METAR LFBO 201300Z AUTO 30010KT 9999 SCT023 05/M01 Q1022 NOSIG= nous décidons de partir et je commence le roulage à 13:37Z.
C'est le premier vol de cet avion après une visite des 100 h terminée la veille et effectuée par l'atelier du club.
Lors de la prévol j'observe des gouttes d’eau sur l’extrados de l'aile alors qu'il n'a pas plu en matinée, mais j'imagine que l’avion a été lavé lors de la 100 h et n’a pas fini de sécher. L’examen visuel de tous les points de vérification ne révèle rien d'anormal. Embarquement, mise en route, roulage, essais moteur, vérifications avant alignement, alignement : tout est nominal.
Après application de la puissance j’ai l’impression que le Badin s’active un peu plus tard que d'habitude (2 ou 3 sec) : j'attribue ce ‘’retard’’ à un engourdissement du mécanisme interne à l'instrument quand il fait froid (+4 °C au sol). Pendant la course au décollage la Vi me parait cohérente avec le comportement de l’avion et les 52 kt sont atteints après la distance de roulement habituelle, sans alerte et tous les paramètres normaux : je poursuis le décollage.
En fin de montée initiale j'observe une légère et brève variation de la Vi (similaire à l’effet d’une rafale de vent mais je n'ai pas le souvenir d'avoir ressenti de la turbulence). C'est la seconde fois que le Badin attire mon attention. Une suspicion de contamination des circuits pression totale et pression statique s’installe dans mon esprit.
Pour lever le doute et décider de poursuivre le vol ou de revenir pour atterrir, j'opte pour une surveillance attentive du comportement du Badin sur les branches Traversier et Vent arrière. En les parcourant la Vi passe normalement de 70 à 120 KIAS sans sursaut et en cohérence avec les affichages d’assiette et de puissance. Je décide donc de poursuivre.
Après environ 30 minutes d'un vol sans encombre, d'abord en croisière à 2000 ft puis en montée régulière jusqu'à 5000 ft (qui était mon objectif d'altitude) je dois poursuivre la montée pour m'affranchir d'une barre de cumulus bien délimitée qui nous cache la vue sur le relief. Un peu avant 7000 ft, au moment précis d'une légère action à piquer afin d’avoir une meilleure visibilité sur la barre de nuages et de pouvoir estimer ma hauteur par rapport à celle-ci avant d'aller dans sa direction, l'aiguille du Badin tombe à zéro et y reste mais l'avion vole, réagit bien aux commandes et son moteur ronronne normalement. Ayant encore en tête la prévision de températures négatives, les gouttes d'eau sur l'aile, le comportement du Badin au départ et la présence de nuages, je soupçonne immédiatement un givrage du Pitot.
J’informe le SIV de mon problème de vitesse indiquée et entame une descente pour retrouver des températures positives en expliquant brièvement la situation à ma passagère et comment je vais faire pour piloter sans cet instrument. Je spirale à faible inclinaison avec un repère d'assiette légèrement sous l'horizon et 1600RPM quand je constate un vario à zéro et un altimètre figé. Parallèlement le SIV m'informe qu'il me voit toujours à la même altitude, ce que me confirme un coup d’œil sur le FL indiqué au transpondeur. J'arrête la descente quand visuellement j'estime être à une hauteur au-dessus du sol suffisante et sûre. La descente a duré 5 à 6 minutes.
Comme l'avion et son moteur coopèrent, il n’y a pas d’urgence à atterrir et j'espère retrouver rapidement en basse couche les fonctions perdues. Je prends une route vers l'Ouest pour que le Pitot soit côté soleil, sans toutefois être convaincu de l’efficacité de cette disposition puisqu'il est placé sous l'intrados. Au bout d’une vingtaine de minutes, l’altimètre bouge et commence à fournir des indications stables et cohérentes avec l'estimation de ma hauteur et l’altitude GPS. Quelques minutes après, le Badin reprend vie avec des indications tantôt aberrantes (160 ou 40 KIAS), tantôt cohérentes avec le bruit perçu en cabine et le régime moteur affiché et à + ou -10 kt de la Vi attendue.
Je fais un point de situation et met en place mon plan d’action pour le retour et l’atterrissage (rester en contact avec le SIV, contourner les TMA de LFBO, naviguer avec le GPS, piloter avec les pré-affichages d'assiette et de puissance, rappeler les actions en cas d'alarme décrochage et ne pas me fier au Badin).
L'intégration dans le circuit, l'approche, la finale et l'atterrissage se déroulent sans encombre, avec au bout du compte tous les affichages nominaux et toutes les indications cohérentes.
Une fois dans le hangar je mets l’avion aux arrêts, mentionne sur le carnet de route l'anomalie constatée et la détaille brièvement dans une note à l'attention de l'atelier. Des encadrants du club sont informés de l’évènement.
Je remercie chaleureusement le SIV qui, informé des pannes survenues, a porté une attention particulière aux trajectoires conflictuelles.
Volant régulièrement j'ai eu recours à "la photographie" de l'attitude de l'avion à la fois par rapport à l'horizon naturel (position du repère pare-brise et du capot) et à celle de la position de la maquette sur l'horizon artificiel ainsi qu'à ma connaissance des puissances, ma perception de la hauteur au-dessus du sol et du bruit aérodynamique.
Je n'ai que très peu utilisé l'altitude GPS, ayant en tête qu'elle pouvait être en écart parfois significatif avec l'altitude barométrique et l'altitude vraie, ni vraiment porté attention aux deux ou trois brèves apparitions d'une fenêtre Pop-up TERRAIN ALERT.
L'absence d'indication des vitesses et des altitudes barométriques ne m’a pas gêné, vérifiant encore une fois qu'utiliser les pré-affichages, porter son regard au dehors et sur des repères extérieurs, rester en communication avec les ATS était fiable, efficace et sûr.
Mes deux principales préoccupations étaient alors :
- ma séparation verticale avec les autres trafics et le plancher des TMA ;
- un excès de vitesse en finale compromettant l’atterrissage et imposant dans ce cas une remise des gaz, cet avion résorbant difficilement son énergie cinétique.
Je n’étais pas spécialement inquiet d'une perte de contrôle car entraîné à reconnaître ses signes annonciateurs et préparé mentalement à réagir en cas d'alerte sonore de l'approche du décrochage.
Le fait d’arriver sur un aérodrome contrôlé, où l'ATIS puis l'ATC délivrent les paramètres du vent au sol, m’a aidé à définir la Ground Speed devant être lue au GPS en finale.
Ma passagère est une passionnée de photographie, familière de l'avion léger et de notre aéroclub. Elle a quelques heures de vol réalisées avec un FI du club lors d'un stage d'initiation. Au débriefing de l'événement elle m’a indiqué qu'à son arrivée au terrain, elle avait aperçu l'avion réservé déjà sorti du hangar et qu'en s'approchant pour s'assurer de la propreté de la verrière elle avait vu le cache Pitot tombé à terre et remis en place.

Classification de l'évènement

La déclaration concerne : Sécurité des vols (SV)
Catégorie : Matériel
Nature du vol : VFR Jour
Conditions météo : Vent de 10 kt du NO, ciel degagé sur le Piémont, barre nuageuse sur le relief, iso 0 aux alentours de 900m
Environnement : Non Contrôlé (Classe F, G)
Phase de l'évènement : En route
Type de vol : Local
Type d'évènement : Instruments: Panne
Type d’aéronef : DA-20
Equipement : Instrumentation mixte (aiguille + GPS par exemple)

Evaluation du risque

Traitement de l'évènement


Le lendemain matin de l'incident l'atelier vérifie la réaction du Badin et de l'altimètre à de légères variations de pression appliquées par insufflation d'air dans les prises de pression du Pitot. Ne constatant pas d'anomalie une APRS est apposée. L'avion n'est pas utilisé durant les trois jours qui ont suivi (week-end et lundi). Le mardi matin un contrôle approfondi du système Pitot-Static révèle la présence de quelques gouttes d'eau dans la dérivation "point bas" (water trap) de la ligne de pression statique qui pourrait a priori être à l'origine du retard du Badin ou du sursaut de son indication au tout début du vol.
La partie du vol ayant précédé la survenance des pannes de Badin et de l'altimétrie barométrique vers 7000 ft est effectuée dans un air à température négative. La voilure de l'avion, le caisson du fuselage, les tubes semi-rigides des lignes de pression et le Pitot probe se sont refroidis au cours du temps.
L'avion n'est pas équipé d'une prise statique de secours ni d'un chauffage Pitot activables par le pilote. La durée nécessaire pour retrouver les fonctions perdues suggère un blocage des lignes de pression totale et statique par de la glace qui aurait fondu en volant en basse couche. Si les quelques gouttes dans la "water trap" de la ligne de pression statique ont pu geler elles ne peuvent pas avoir bloqué la transmission de la variation de pression aux instruments.
Après avoir recueilli l'avis du météorologue et effectué un premier inventaire des causes et des facteurs contributifs possibles, l'analyse n'a pas permis d'expliquer avec certitude l'origine des pannes du Badin et de l'altimétrie barométrique. Les investigations continuent.

Le déclarant, bien entraîné et expérimenté, a pris la décision du départ en vol après une analyse méthodique et approfondie des dernières prévisions et observations météorologiques.
Bien qu'ayant considéré lors du départ que le Givrage modéré 100/010 associé au BKN SC 060-100/030-050 indiqué sur la TEMSI France 12UTC n'était plus une menace après son interprétation de l'image satellite et qu'aucun dépôt de givre n'a été observé sur le pare-brise et le bord d'attaque de l'aile, la suspicion d'un givrage du Pitot incite le déclarant à appliquer le 1er item de la procédure d'urgence GIVRAGE "Changer d’altitude ou de route pour quitter la zone de givrage et trouver une zone à température positive".
En situation, il a gardé son calme, pris le recul nécessaire pour informer sa passagère et définir un plan d'action qu'il met en œuvre avec succès.
Face à sa préoccupation de séparation verticale avec le plancher des TMA, il disposait à priori sur le GNS 430 des AIRSPACE ALARMS et des messages correspondants. Vérifiée après le vol, la sélection des options associées à la Page Map était adéquate mais la base de données Aviation n'était pas à jour (20 JUN 2019). Il n'a pas exploité ces informations.
En l'absence d'indication de l'altitude barométrique, la fonction TERRAIN ALERT l'a prévenu à quelques reprises d'une hauteur insuffisante vis à vis de la MINIMUM CLEARANCE ALTITUDE ou du sol et des obstacles bien que la base de données Obstacles ne fut pas à jour (20 NOV 2008). En sélectionnant la "TERRAIN PAGE" il pouvait à la fois lire l'altitude GPS et s'assurer qu'aucune zone de terrain ou qu'aucun symbole d'obstacle (petite croix de St André) de couleur Jaune ou Rouge n'y apparaissait, signifiant qu'il volait à plus de 1000 ft au-dessus, à la précision près du calcul de sa hauteur par le GPS. Il n'a pas exploité ces informations.
A l'apparition de symptômes annonciateurs d'une contamination des circuits pression totale et pression statique il eut été préférable d'interrompre le décollage ou de revenir pour atterrir, comme rappelé lors du Briefing Sécurité au Décollage. Mais chacun sait combien il est difficile de prendre une telle décision en cas de symptômes fugaces. La poursuite du vol a pu être influencée par le contexte d'une sortie entre amis, planifiée sur la journée entière et reportée à l'après midi avec pour les deux occupants un forte envie de voler vers les Pyrénées.
Si cette décision avait été prise au début du vol, les pannes totales du Badin et de l'altimétrie barométrique n'auraient probablement pas été constatées et la purge des "water traps" n'aurait été effectuée qu'à la prochaine visite de 200h.
Deux semaines après cet incident et l'intervention de l'atelier, 11 vols ont été effectué sans aucun constat d'anomalie relative au Badin et/ou à l'altimétrie barométrique.

Actions correctives :
AC1 (réalisée par l'atelier) : vérification de la réaction du Badin et de l'altimètre à de légères variations de pression appliquées par insufflation d'air au Pitot dans les prises de pression ; contrôle approfondi du "Pitot-Static-System" (ouverture des lignes côté instruments, purge des "water traps", soufflage des tubes, vérification de l'état du Pitot, nettoyage, etc.)
Nota : ce contrôle est effectué systématiquement à chaque visite de 200 h
AC2 (réalisée) : amendement de la procédure anormale "Panne du circuit anémo-barométrique" mentionnant le possible recours à l'altitude GPS et aux fonctionnalités de l'application TERRAIN, celui à la Ground Speed y étant déjà mentionné
AC3 : demande de mise à jour des bases de données Aviation et Obstacles (en 15 ans de nombreuses éoliennes et antennes GSM ont été érigées dans notre région)
Actions préventives :
AP1 (réalisée) : notification de l'événement à l'Autorité par CRESAG
AP2 : planification d'investigations complémentaires sur le Pitot-Static System à la prochaine visite 200 h
AP3 : diffusion aux pilotes du club d'un Flash Sécurité des Vols faisant référence à la présente déclaration, avec :
- appel à la vigilance sur les conditions atmosphériques hivernales (notamment l'altitude de l'Iso 0°C et la menace du givrage), le respect de la distance aux nuages, l'usage de certaines bases de données de l'avionique dont la date de péremption est dépassée ;
- rappel de l'obligation réglementaire de mentionner tout type d'anomalie sur le carnet de route, y compris les "fugaces" ;
- rappel de l'intérêt de bien connaître et d'appliquer avec rigueur les procédures normales (notamment le Briefing des passagers et le Briefing Sécurité au décollage avec l'item "Question aux passagers ?", les vérifications à faire lors de la course au décollage et les annonces techniques à prononcer) ainsi que les procédures d'urgence et anormales, d'utiliser toutes les sources d'information disponibles, de maîtriser l'usage du navigateur GPS et d'en connaître les performances (notamment pour l'Altitude) ;
- invitation à relire les documents ci-après :
A- Conseils Sécurité : 06/2015 "Traiter une anomalie ou la panne d’un équipement en vol"
01/2016 "Comment confirmer son altitude ?"
01/2017 "Prises de pression et mises à l'air libre : des organes qui doivent être dégagés"
B- Consignes et recommandations pour le stationnement d'un avion (mise à jour le 25 juillet 2019)
C-"Le(s) passager(s) : menace ou atout ?", sujet abordé au 9ème Séminaire Sécurité des Vols Avion-ULM (ENAC-Rangueil 31 janvier 2015)
D- Note de synthèse "Interprétation des paramètres T/Td du METAR AUTO et de l’ATIS" du 13/12/2021 (sujet abordé au 16ème Séminaire ENAC-Rangueil 02 avril 2022).
E- Guide de mise en œuvre des navigateurs GNSS GARMIN GNS430 et GPS175
Nota : documents disponibles sur le net avec un bon moteur de recherche

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