Présentation chronologique des faits :
Départ de LFLQ vers LFNE avec F-GIKY (DR400-140B) : 3 personnes adultes à bord, 10kg de bagages dans le compartiment arrière, 80L de 100LL dans le réservoir principal, réservoir supplémentaire vide.
=> TOW : 923 kg
Calcul préalable des performances décollage : terrain en herbe, à la masse de 1000kg, à 15°C (température relevée 11°C), à 671ft press. alt (élévation : 241ft à 1002 hPa)
=> TODA nécessaire théorique : 584 m => TODA nécessaire majoré de 30% : 760 m => TODA RWY 20 : 1200m
Vent du 230° de 5 à 10kts

Au roulage, je constate que le terrain humide demande un régime anormalement haut (de 1500 à 1800 tr/min) pour mettre et maintenir l’appareil en mouvement.
Au vu de ce roulage laborieux, je soupçonne les carénages des trains avant et principaux d’être obstrués par de la terre. J’envisage même la crevaison d’un des pneus. Après vérification, tout s’avère être en ordre.
Lors du briefing décollage, pour prendre en compte cette menace, je prévois de :
• m’aligner sur la partie semblant visuellement moins humide de la piste
• soulager au plus tôt le train avant afin de minimiser la résistance au roulement
• effectuer la rotation dès Vi = 100km/h
• effectuer, une fois en l’air, un palier d’accélération pour atteindre Vx = 130km/h et sortir du second régime
• annuler le décollage si les 100km/h ne sont jamais atteints ou atteints trop tard

Lors de la course au décollage, comme attendu, le terrain humide restreint fortement l’accélération. Les aspérités marquées de la piste constituent également un obstacle à la prise de vitesse.
L’anémomètre stagne aux alentours de 90km/h qui semble être le maximum atteignable.
L’autorité de la gouverne de profondeur permet au train avant de « s’alléger ». L’effet est notable, l’accélération gagne en intensité, mais à plusieurs reprises le train avant se repose à cause des irrégularités de la piste, faisant immédiatement perdre le gain de vitesse obtenu.
Une fraction de seconde avant d’annuler le décollage, 100 km/h est finalement atteint et j’effectue la rotation. Une fois libéré du contact du sol, l’appareil retrouve une accélération très franche.

Le pallier, la montée initiale et le reste du vol se passe sans incident.

Le sujet des performances ayant été le thème de ma prorogation SEP, l'étude spécifique d'un cas d'un décollage sur terrain en herbe humide a été discuté. Cela m'a permis de mieux appréhender la situation et à établir un plan d'action adéquat.

Le jour de cette navigation, un DR400-120cv et un DR400-140B (160cv) étaient tous deux disponible.
La charge à transporter et les performances me permettaient de choisir l'un ou l'autre des appareils.
Pour avoir le plus d'aisance, j'ai choisi l'appareil le plus puissant en dépit des considérations financières.

Ce choix fut heureux, car si avec 160cv le décollage fut laborieux, avec une motorisation moindre le décollage aurait été impossible (malgré des performances calculées et majorées dans les limites pour le 120cv).
Cela aurait pu conduire à une décision trop tardive de l'abandon du décollage, ou à une rotation plus que poussive (à la faveur du rafale positive, par exemple) puis à l'impossibilité de sortir du second régime et/ou une prise d'altitude insuffisante pour passer les obstacles en bout de piste.

Le pilote a bien détecté la menace avant de décoller et a développé une stratégie qu'il a appliquée.
Ce REX mérite donc d'être pris pour exemple afin de garder en mémoire :
1- que l'état dégradé d'une piste réduit de performance de décollage (augmentation de la distance de roulement).
2- qu'il faut mettre en place une mesure de réduction de risque pouvant conduire à une interruption de décollage en toute sécurité.

Actions correctives : aucune

Actions préventives : l'évènement sera discuté en assemblée générale du club.