Incident: ULM A22. arrachage et perte du cone d’hélice lors de la montée initiale.

Contexte: Récemment breveté ULM, j’effectue un entraînement TdP avec 2 objectifs : posé précis & “kiss” avec une finale moteur tout réduit et sans volets. Je suis pilote planeur et motoplaneur, ce type d’approche en plané avec contrôle de la trajectoire et du plan (dès le début de vent arrière pour une PTL planeur) est standard.

Temps maussade mais calme. Vent du 170, 7 kt, overcast 3000 ft, Visi 10 km. Piste 10 droite. Aucune anomalie détectée en visite prévol.

Déroulement de l’incident : RAS pour les 3 premiers TdP. Légère correction de dérive nécessaire en finale et en montée initiale. Décollages et atterrissages corrects, la précision du point d’aboutissement doit encore être travaillée.
Lors du 4eme redécollage, j’entends un claquement ponctuel et assez fort, quelques secondes après le début de montée. Je suis toujours au-dessus de la piste à 20 ou 30m sol. Le bruit a été similaire au claquement de verrouillage lors d’une sortie de train trop brutale.

Je vérifie immédiatement les paramètres moteur: aucune anomalie, puissance nominale, pas de ratés ni vibrations. Je décide de ne pas faire un atterrissage d’urgence qui induit un risque de sortie de piste, et de continuer la montée jusqu’à 500 ft pour décider de la suite. Pendant la montée, je teste les commandes: aucune anomalie, comportement habituel de l’appareil. Je m’assure également de la présence des roues du train principal. Mon hypothèse principale dans cette phase est: problème sur la roue avant mais je n’ai aucun moyen de le vérifier. Je n’en vois pas non plus la raison car le 3eme touché a été doux et le redécollage nominal. A aucun moment sur ces TdP la roue avant n’a encaissé un effort anormal. Comme il y avait beaucoup d’oiseaux sur les pistes, serait-ce un oiseau qui a tapé le train avant? Je n’ai rien vu de tel, mais il n’y a pas de visibilité vers l’avant et le bas en montée….

Arrivé à 500 ft, l’appareil fonctionne parfaitement, aucune autre occurence du bruit.
Je décide de poursuivre jusqu’á l’altitude du tour de piste, et enfin de poursuivre le tour de piste pour un complet en 10 droite. Aucune raison objective d’interrompre le TdP et de se poser en 28 droite qui induit un risque trafic. Et de toute façon, si la roue avant a subi un endommagement, l’atterrissage en 10 ou en 28 est équivalent.

Complet et retour au hangar nominaux.

Constat de l’endommagement au sol: arrachement du cône d’hélice. Plusieurs attaches sont cassées à la pliure du L. Le cône est manquant en totalité excepté un petit morceau resté attaché sur une attache intacte. Traces d’impact sur le bord de fuite d’une pale de l’hélice, découlant probablement d’une collision cone-pale avec une projection latérale du cône. A priori pas un impact d’oiseau, aucune plume ni traces de sang sur l’hélice, le capotage et le train avant. Pas d’endommagement apparent du capotage moteur ni des radiateurs eau et huile.

Une inspection des pistes 10, 28 et taxiway n’a pas permis de retrouver les débris du cône.

Cause probable de l’incident : les attaches du cône d’hélice sont des cornières en L. Les ruptures se situent à la pliure du L, probablement en fatigue. C’est la 2eme occurence dont je suis témoin: ~printemps 2024, le mécanicien appelé pour une autre vérification sur l’appareil, avait découvert incidemment qu’une attache du cone était cassée. Ce fait n’avait pas été détecté lors de la visite prévol. Les attaches sont à l’intérieur du cone, le pilote vérifie globalement la fixation et l’intégrité du cone mais la vérification de l’intégrité de chaque attache et en particulier l’absence de crique à la pliure, est malaisé.

Scénario de ruine proposé: un léger excentrage ou dissymétrie du cone provoque des efforts cycliques sur les attaches à chaque tour d’hélice. Ces attaches sont des cornières en L, obtenues probablement par pliage, ce procédé de fabrication pouvant induire des amorces de fissures. Après un certain nombre de cycles, les attaches cassent en fatigue à la pliure, sans cause extérieure.

Solutions possibles:
-Renforcer le contrôle en visite prévol pour détecter une attache cassée. La vérification de l’absence de crique nécessite une opération à l’atelier avec dépose du cone.
-Changer périodiquement et préventivement les attaches e.g toutes les 300h ou 500h
-Remplacer les attaches pliées par des attaches moulées ou usinées avec 1 ou 2 voiles de renfort pour reprendre les efforts de flexion
-voler sans cone dans l’attente d’une solution pérenne

Expérience planeur: Etre vigilant mais ne pas suréagir. Décider sur la base de paramètres objectifs et vérifiés. Ne pas entreprendre de manoeuvres d’urgence (risques) tant que la machine vole correctement et prendre le temps d’interrompre le vol calmement. En cas de panne moteur soudaine, un atterrissage en campagne reste possible sans risque majeur (le A22 pose lent et court) si on s’est entraîné à gérer trajectoire et plan en vol plané.

Excellent retour fait par le pilote. L'analyse est pertinente, les conclusions sont bonnes, le stress en vol au moment de l'évènement est maitrisé.

Actions correctives :
Remplacement du cône d'hélice, des L de fixation et réparation de l'hélice

Actions préventives :
A valider avec la mécanique et la direction club, inspections régulières des fixations de cône d'hélice, signalement au constructeur Aeroprakt et aux pilotes d'ULM via les fédérations FFA et FFPLUM